La plainte préalable de la personne préjudiciée. Aspects de droit comparé

AuthorAngelica Chirila
PositionChargée De Cours - Université "Danubius" De Galati
Pages150-159

Page 150

1. Considérations générales

De lege ferenda, quatre systèmes ont été conçus en ce qui concerne l'auteur (la personne ou l'institution) qui déclenche la procédure judiciaire dans la matière de la perpétration des infractions178:

- la poursuite judiciaire qui provient de la victime ou de ses héritiers (l'accusation privée);

- la poursuite judiciaire qui provient de tout citoyen, agissant au nom de la société (l'accusation populaire);

- la poursuite judiciaire qui provient des juges mêmes (la poursuite de l'office);

- la poursuite judiciaire qui provient de fonctionnaires spécialisés, comme magistrats du Ministère Public (l'accusation publique) ou fonctionnaires de certaines administrations.

De lege data, premièrement le rôle prééminent des organes de police a été souligné, rôle plus ou moins important dans le déroulement de l'activité, mais qui sont souvent les premiers annoncés.

Les législations pénales des Etats prévoient souvent obligatoirement la plainte ou la dénonciation. Ces moyens de réclamation peuvent concerner toutes les infractions, tel que l'article 259 Code de procédure pénale espagnol179 le dispose: («celui qui est témoin au déroulement d'un délit quelconque est obligé à informer, sur place, le juge d'instruction, le juge de paix, le juge de circonscription ou le juge municipal ou le représentant du Ministère Public le plus proche»).

Mais le plus souvent, la plainte ou la dénonciation sont obligatoires pour certaines infractions: la norme de l'art. 40 Code de procédure pénale français180 oblige les fonctionnaires à dénoncer au Parquet les infractions qu'ils découvrent pendant l'exercice de leur fonction, pendant que la norme de l'art. 138 Code de procédure allemand181 oblige tout citoyen, qui a connaissance de l'organisation de l'exécution des infractions (par exemple le complot ou l'assassinat) ou de l'exécution même de ces infractions, à informer les autorités judiciaires.

Dans la législation pénale roumaine, l'obligation de réclamer les organes judiciaires au cas de la perpétration d'infractions, se déduit des normesPage 151d'incrimination comprises dans les dispositions de l'art. 170 Code pénal (la non dénonciation) ; art. 262 Code pénal (la non dénonciation des infractions); art. 263 Code pénal (l'omission de saisir des organes judiciaires); art. 265 Code pénal (l'omission d'informer les organes judiciaires) et aussi les dispositions de l'art. 227 Code procédure pénale.

Il y a des législations qui, en plus des manières générales de réclamer les organes judiciaires - plainte ou dénonciation - prévoient comme manière spéciale de réclamation la plainte préalable (privée) de la victime comme condition de punition et de procédabilité ou instituant tout un mécanisme judiciaire, tout un procès (afin de rendre responsable le coupable) ayant lieu à et sur l'initiative de la personne préjudiciée, celle-ci pouvant promouvoir par la plainte et exercer l'action pénale.

Les quatre systèmes ci-dessus mentionnés ont été consacrés dans diverses législations, les unes d'entre elles mettant l'accent sur le rôle des citoyens (ou le rôle des victimes), d'autres sur le rôle des organes de l'Etat, mais la plupart des législations connaissent deux, même trois des quatre systèmes. Dans ce qui suit, a été relevée la manière dont ces systèmes se reflètent dans les législations pénales de différents pays182.

2. Le droit anglo-américain

Le système anglais est assez complexe, le texte de base étant Prosecution Offences Act 1985183. En principe, tout citoyen peut exercer la poursuite judiciaire (art. 6 Act 1985)184, mais en fait, le plus souvent, les organes de police sont ceux qui, à la fin de l'enquête, déclenchent l'action publique.

Par une fiction, très originale du reste, les organes de police agissent en tant qu'individus, que citoyens, comme tout citoyen pourrait le faire, pas en qualité de représentants de l'Etat185.

On a atténué ce principe, qui consiste dans l'existence d'un service spécialisé de poursuite: en 1979, a été créé Director of public prosecutions (DPP) et en 1985, Crown prosecution service (CSP), le premier étant subordonné de point de vue hiérarchique au second. CPS a la mission de continuer ou d'arrêter la poursuite déclenchée par les organes de police et peut, aussi, les diriger et les conseiller.Page 152

Pratiquement, CPS reçoit le dossier de police si ce dernier a décidé le déclenchement de la poursuite pénale et décidera si les accusations sont suffisantes afin d'ordonner la continuation de la poursuite, l'insuffisance de celles-ci, entraînant de sa part le non commencement de la poursuite pénale. Si les organes de police ont décidé le non commencement de la poursuite pénale, appréciant qu'il suffit de transmettre au coupable un avertissement (caution), le dossier ne sera envoyé à CPS, celui-ci ne pouvant effectuer la poursuite en cause186.

La deuxième mission de CPS est celle de décider sur les conséquences que les poursuites judiciaires déclenchées par les particuliers ont (qui peuvent agir de cette manière depuis le début, soit à la suite d'un refus de non commencement de la poursuite donné par la police ou par CPS): en effet, une telle poursuite peut être contraire à l'intérêt public. En pratique, les poursuites privées sont assez rares, pas nécessairement puisque CPS peut les arrêter, mais spécialement pour trois raisons: le citoyen doit en appeler à un avocat (barrister); celui-ci ne peut pas solliciter l'aide de la police et, finalement, le juge peut considérer cette poursuite comme un abus de procédure (abuse of process)187. Bref, CPS ne peut qu'arrêter la poursuite déjà commencée par la police ou par un particulier.

En principe, dans la doctrine ont été signalées plutôt les exceptions à la règle. Pour un de quatre cas, la poursuite judiciaire est mise en mouvement non pas par la police ou par une personne privée, mais par une administration. On arrive ainsi dans la matière douanière (pour les importations illégales de drogues). Les services de santé et de sécurité sociale sont compétents dans la matière des infractions concernanr les bénéfices frauduleux dans ces domaines. L'office des fraudes assure même l'investigation de certaines fraudes etc.

Le système américain est très différent et, en même temps, beaucoup plus simple. Dès le début, les Etats-Unis d'Amérique se sont séparés d'avec la tradition anglaise, fondée même aujourd'hui sur l'idée des procédures pénales privées et populaires. Aux Etats-Unis, il existe un service public, un véritable Ministère Public, qui a le monopole de la poursuite pénale: United States attorneys pour les infractions fédérales, District attorneys et Municipal attorneys pour les infractions d'Etat. Aux Etats-Unis, la figure du prosecutor est de premier plan.

Les citoyens prennent directement part à la procédure judiciaire pénale par les dénonciations ou par les plaintes (qu'ils formulent concernant la perpétration d'infractions) aux organes de police, ou en qualité de participants (par exemple témoin, juré) dans le procès pénal, ou en acceptant les dispositions du systèmePage 153comme juste ou raisonnable188. Comme votants ou débiteurs de taxes (les contribuables), les citoyens (la société civile) participent à la justice pénale, à partir de la formulation initiale de l'accusation jusqu'à la prononciation de la décision judiciaire; aussi, sur la manière dont l'exécution de la punition se déroule jusqu'aux mesures de réintégration sociale du condamné. Le secteur privé ayant le rôle de payer, une telle implication est naturelle, puisque la justice pénale, et non seulement, a le rôle de servir les intérêts des citoyens.

3. Le droit allemand

Dans l'ancien droit allemand, la poursuite pénale est déclenchée par la victime. Aujourd'hui, l'Etat monopolise et administre toute poursuite pénale, par l'intermédiaire du Ministère Public (Offizialprinzip)189. Si les Allemands ont eux aussi adopté le système de l'accusation publique et puisqu'on le soutient dans la littérature juridique190- les particuliers ne peuvent pas toujours porter plainte, seulement un service peut assurer l'observation de ce principe. Dans ces conditions, la victime joue encore un certain rôle.

La personne préjudiciée peut agir ayant la qualité de partie (intervention). Pour un certain nombre d'infractions, la victime peut se rallier au Ministère Public, agissant par la voie d'une intervention (Nebenklage, art. 395 St Po). On ne peut réaliser cela que pour les infractions limitativement prévues par la loi pénale, comme c'est le...

To continue reading

Request your trial

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT