Les services publics roumains et l'union européenne - considérations théoriques

AuthorLavinia Darie
PositionDoctorante - Université "Jean Moulin Lyon 3", France
Pages167-173

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Avec l'ouverture à la concurrence, la nature de l'intervention de l'Etat devient duale. Celui-ci doit à la fois garantir le fonctionnement équitable de la concurrence et s'assurer que les missions d'intérêt général sont bien remplies. Pour cette raison, les nouvelles régulations adoptées doivent s'aligner sur l'acquis communautaire, car dans le cas de la Roumanie, elles n'existaient pas auparavant, l'économie planifiée étant en opposition idéologique avec la concurrence. Elles concernent, d'une part, les mesures à mettre en place dans le cadre de la création ex nihilo de la concurrence et, d'autre part, celles qui garantissent à tout citoyen l'accès à des services de qualité à des prix abordables.

Dans la perspective de l'adhésion successive de nouveaux Etats membres, dont celle de la Roumanie, prévue pour 2007, la législation européenne elle-même doit garantir des services d'intérêt général performants et de qualité, pour faciliter l'intégration et aider les citoyens à faire réellement usage de leurs droits fondamentaux. Alors, de notre point de vue, il existe une sorte de quid pro quod entre l'Union et les nouveaux Etats membres, dans la mesure où la consolidation du concept de service d'intérêt général et le renforcement de sa sécurité juridique deviennent nécessaires du fait de l'élargissement. Au niveau communautaire, les services d'intérêt économique général ont fait l'objet des dispositions spécifiques introduites à l'article 16 CE par le Traité d'Amsterdam1 et à l'article 36 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne2 proclamée à Nice. L'article 36 de la Charte est complémentaire à l'article 16 CE, car le dernier vise à garantir la fourniture des services d'intérêt économique général, alors que le premier érige l'accès à ces services en droit fondamental3. De même, ils ont été à l'origine en à peine quatre ans d'intervalle, de deux communications de la Commission4, ils ontPage 169été régulièrement évoqués lors des réunions du Conseil européen5 et ont suscité un abondant et contradictoire contentieux devant le TPI et la CJCE.

Tout cela témoigne de l'importance des services d'intérêt général parmi les valeurs partagées par l'Union européenne ainsi que de leur rôle dans la promotion de la cohésion économique et sociale, mais aussi comme promoteurs de la compétitivité de l'économie européenne. Le débat concernant les services d'intérêt économique général est également important car il semble s'inscrire dans une logique contradictoire, d'une part, préserver un modèle européen de société et de développement et, d'autre part, renforcer les règles de la concurrence, sur un fond de la libéralisation de la quasi-totalité des secteurs économiques (le transport aérien, ferroviaire, maritime ou routier, le secteur de l'énergie, télévision, etc.).

L'expression "services d'intérêt économique général" n'est pas définie dans le traité ou dans le droit dérivé. Cependant, dans la pratique communautaire, on s'accorde généralement à considérer qu'elle se réfère aux services de nature économique que les États membres ou la Communauté soumettent à des obligations spécifiques de service public en vertu d'un critère d'intérêt général. La notion de services d'intérêt économique général couvre donc plus particulièrement certains services fournis par les grandes industries de réseau comme le transport, les services postaux, l'énergie et les communications. Toutefois, l'expression s'étend également aux autres activités économiques soumises elles aussi à des obligations de service public (ex. la gestion des déchets, l'approvisionnement en eau, etc.). En règle générale, la fourniture et l'organisation de ces services sont soumises aux règles relatives au marché intérieur, à la concurrence et aux aides d'Etat s'ils sont susceptibles d'affecter le commerce entre les Etats membres. Il s'agit d'un concept flexible compatible avec le principe de subsidiarité, car en l'absence de réglementation communautaire en la matière, les Etats membres disposent d'un large pouvoir d'appréciation quant à la nature des services susceptibles d'être qualifiés d'intérêt économique général. Dans la Communication de la Commission de septembre 2000 est stipulé que «la liberté de définition des Etats membres signifie que ceux-ci sont les premiers responsables de la définition de ce qu'ils considèrent comme étant des services d'intérêt économique général sur la base des caractéristiques spécifiques des activités». Toutefois, la CJCE et la Commission encadre la liberté des Etats quant à la qualification de l'activité des entreprises en cause au regard de l'article 86 CE. Dans l'affaire British Telecom6 la Court fait valoir que «l'application de l'article 86 paragraphe 2 CE, n'est pas laissée à la discrétion de l'Etat membre qui a chargé une entreprise de la gestion d'un service d'intérêt économique général». Par conséquent, en l'absence de réglementation communautaire, la tâche de la Commission serait de veiller à ce que ces dispositions soient appliquées sans erreur manifeste.Page 170

Lors du Conseil européen de Lisbonne de mars 2000, les chefs d'Etat et de gouvernement ont non seulement reconnu le rôle clef des services d'intérêt général, mais aussi ont demandé une accélération de la libéralisation...

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