La Loi Pénale Roumaine dans les Conditions de la Post-Adhésion

AuthorGeorge Antoniu
PositionProf. d'Université. Directeur Scientifique de l'Institut de Recherches Juridiques. L'Académie Roumaine
Pages1-14

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1. Quelles sont les nouvelles réalités auxquelles se confronte la loi pénale dans les conditions de la post-adhésion?

D'entrée de jeu, il nous faudrait expliquer pourquoi l'on s'en arrête, parmi toutes les branches du droit, à la seule loi pénale, sans qu'on se préoccupe du sort de toute la législation roumaine durant la période de post-adhésion. La réponse à cette question est des plus facile. Parmi toutes les branches du droit, la seule à être le plus étroitement liée aux particularités, à la culture, aux coutumes et au mode d'être du peuple, est la loi pénale. L'identification des valeurs sociales fondamentales méritant une protection spéciale, comme l'évaluation des divers comportements humains par rapport à ces valeurs, a toujours été conditionnée, chez tous les peuples, par les particularités de la vie politique et sociale, par les traditions et mentalités du peuple. Ce n'est qu'ainsi que s'expliquent pourquoi, par exemple, un mode d'être a pu être considéré comme indifférent par un peuple, et, au contraire, comme affectant gravement les valeurs sociales fondamentales d'un autre peuple, ou bien une transgression peut être considérée comme sans importance dans la vision d'une loi pénale, alors que, dans d'autres cas, elle peut acquérir une signification particulière. Il est des pays, par exemple, où la loi pénale punit de bien d'années de prison la consommation de drogues, alors que, dans d'autres pays, les drogues sont vendues en toute liberté (en Hollande, Espagne, Grèce). De même, le manque de respect à l'égard de certaines valeurs pourrait entraîner de graves conséquences pénales, tandis que, chez d'autres peuples, de tels faits sont considérés avec plus d'indulgence ou déterminant éventuellement des conséquences autres que pénales. Cette étroite liaison du droit pénal avec la culture et les mœurs du peuple, a déterminé la communauté européenne à considérer que la question de l'incrimination et dePage 2la sanction pénale de certaines violations de la loi, est une chose relevant de la souveraineté de chaque peuple en se situant - par principe - en dehors des exigences communautaires.

2. Au fur et mesure de l'apparition de nouveaux phénomènes dans la vie de l'Union Européenne, comme ceux d'ordre interne (par exemple, la perpétration de délits graves contre les intérêts financiers de l'Union Européenne1) ou d'ordre externe (par exemple, l'amplification de l'activité des associations criminelles multinationales, du crime organisé, comme la perpétration de faits graves comme le terrorisme, le trafic de stupéfiants, d'armes, d'êtres humains, etc.), on a ressenti, progressivement, le besoin de nuancer cette conclusion, ce qui détermina la nécessité d'utiliser la loi pénale dans certaines modalités et contre les faits graves commis dans l'Union Européenne.

Pour que le combat de ces faits à l'aide de la loi pénale soit efficient, une loi pénale unitaire se serait imposée par l'exclusion des solutions législatives différenciées par rapport aux particularités nationales de chaque pays, aurait signifié la création d'organes répressifs à l'échelle européenne comme ceux de police, parquet, justice, aurait impliqué la création d'endroit d'exécution des punitions, qui assurent un niveau unitaire d'exécution que le seul Etat unitaire, basé sur une souveraineté unique aurait pu créer. Or, l'Union Européenne n'a pas été conçu comme un Etat unitaire européen, ni même comme un Etat fédéral, mais comme un groupement d'Etats autonomes qui se sont proposé certains buts: la libéralisation de la circulation des personnes, biens, services et capitaux, c'est-à-dire un monde sans barrières, sans discriminations, où les gens aient toutes les possibilités de développement en toute liberté et d'affirmation culturelle, économique, politique et social.

3. Dans un premier temps, les objectifs communautaires ont été réalisés exclusivement par l'effet de la loi nationale, même si les solutions législatives n'étaient pas unitaires. Ainsi, par exemple, lorsqu'on violait certaines règles communautaires, on avait recours aux incriminations de la loi pénale nationale, comme si les faits avaient lésé non pas les intérêts communautaires, mais ceux nationaux. A d'autres reprises, la loi communautaire a inclus des dispositions de nature à entraver l'application de la loi nationale, en obligeant les autorités des Etats membres de ne plus l'appliquer, même si la loi nationale n'avait pas été abrogée, dans la mesure où elle aurait contredit la loi communautaire.

Parallèlement aux solutions citées, la législation communautaire a promu aussi l'idée du rapprochement des législations pénales des Etats membres et de la formulation similaire de contenus d'incrimination, même des limites de punition, de sorte que soit assurée une répression unitaire de faits qui portaient atteinte aux intérêts communautaires. Ultérieurement, comme ce processus s'amplifiait, les Etats membres ont ressenti le besoin de mettre sur pied des institutions communautaires spécifiques de coordination, comme: Europol, Eurojust, le Réseau Judiciaire Européen, Olaf, le Ministère Public Européen, ayant le rôle, entre autres, d'assurer la concentration des efforts des Etats membres dans une direction déterminée pour rendre plus efficiente leur activité commune. Les institutions supranationales de coordination auraient pu évoluer même vers l'unification des dispositions pénales en une matière, si on avait pu leur confier des compétences plus importantes, comme la prise de décisions à caractère coercitif à imposer aux Etats membres et n'aurait pas agi que par les autorités nationales correspondantes. Une telle évolution du processus de rapprochement des normes pénales n'a été conçu de nos jours qu'en ce qui concerne les faits portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union Européenne, par leur tentative de jeter les bases d'un code pénal minimum unifié (Corpus Juris), laquelle ne fut finalisé à ce jour que sous la forme d'un parquet européen.2

4. Après l'adhésion, la Roumanie se trouve devant ce processus d'harmonisation de la loi pénale nationale avec celle communautaire, lequel se déroule dans tous les Etats membres de l'Union Européenne et, en même temps, dePage 3l'assimilation de ces principes, qui se sont déjà dessinés concernant la relation entre l'ordre juridique nationale et supranationale. Il s'agit du principe de la priorité du droit communautaire, le principe de l'exécution de toutes les obligations de bonne foi; le principe de l'interprétation de la loi nationale, conformément au droit communautaire et le principe de l'harmonisation de la loi pénale nationale avec celle communautaire.3

Une autre catégorie de principes se réfère au mode d'organisation et à la relation d'entre les autorités nationales (juges, procureurs, policiers et personnel assimilé, comme, par exemple, les autorités douanières) et les institutions communautaires (Europol, le Réseau Judiciaire Européen, Eurojust, Olaf), comme entre les instituions communautaires.

Dans ce cadre, se situent: le principe de la reconnaissance réciproque des décisions judiciaires, les décisions des instances judiciaires, prononcées dans certain pays, doivent avoir un effet direct dans les autres pays membres de l'Union Européenne. Une telle solution se fonde sur la confiance réciproque entre les organes judiciaires et sur l'existence d'un standard homogène de la protection des droits fondamentaux. Un autre principe serait celui de la disponibilité de l'information, en ce sens que tout agent ou toute autorité chargé de clarifier les faits pénaux, qui a besoin d'une information dans l'exercice de ses fonctions, peut l'obtenir de tout autre Etat membre de l'Union Européenne; le principe de la communication directe entre les autorités judiciaires et policières, par l'abolition du canal politique et gouvernemental dans la coopération pénale internationale, ce qui désigne le passage de la coopération entre Etats à la coopération directe entre juges, procureurs et policiers. Un dernier principe serait celui de l'exécution indirecte, qui signifier que l'organe coordonnateur n'agit pas directement et sans intermédiaire, mais par l'autorité nationale qui assume la responsabilité.4 A présent, ce principe se réalise dans les relations avec Europol et Eurojust5, et, en perspective, dans les relations avec le Procureur Général Européen aussi.

5. L'existence de fortes influences communautaires sur le droit pénal n'écarte pas tout à fait le modèle classique de la coopération indépendante entre les Etats autonomes: en la matière pénale, celui-ci continue à opérer, mais entre des limites toujours plus réduites, éventuellement juste en ce qui concerne les infractions moins graves. Dans le cas des autres infractions commises dans la vie de la communauté, la réalité montre qu'il se dessine un processus de création d'un véritable droit pénal européen par la tentative de conciliation de deux objectifs apparemment contradictoires, mais tout aussi nécessaires: intégration et pluralité, conciliation qui, à tout prix, doit être tentée et qui est urgente, étant la seule alternative, à une possible et non souhaitable intégration hégémonique au profit du plus fort6. Parmi les signes avant-coureurs d'un tel processus d'intégration pénale, serait:

- l'apparition d'organes spécifiques supranationales soutenant la coopération des Etats en matière pénale (le Réseau Judiciaire Européen, Eurojust, Europol, Olaf);

- l'adoption progressive du principe forum regit actum au lieu de locus regit actum, ce qui signifie que dans certains cas, l'assistance judiciaire est réalisée par l'Etat sollicité en accord avec les dispositions légales de l'Etat sollicitant, toutes les fois que celles-ci n'entrent pas en contradiction avec ses principes fondamentaux (art. 4 de la Convention de 2000, concernant l'assistance judiciaire)7;Page 4

- l'assimilation des sollicitations judiciaires d'assistance sous le rapport de la célérité et de l'efficience au mode...

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