La justice en tant que valeur éthico - morale

AuthorNeculai. N. Bobica
PositionMaître de conférences - Université "Danubius" de Galati
Pages54-59

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Bien que la justice constitue une composante fondamentale du système de valeurs de l'humanité, elle ne jouit pas, de la part de l'axiologie contemporaine, de l'attention dont bénéficie la vérité, le bien, le beau ou le bonheur. On ne réfléchit qu'en passant sur la justice, beaucoup plus rarement à l'époque moderne et incomparablement moins que dans l'Antiquité. Par rapport aux contemporains, les philosophes grecs ont des mérites inégalables en ce qui concerne la manière dont ils ont analysé et présenté le contenu de cette valeur, appelée par eux dikaiosyne. ParPage 55contre, «la modernité a connu, entre autres, un éloignement du sens originaire de la dikaiosyne, par le simple fait de la prédominance, de nos jours, d'un sujet en vogue: celui du droit des hommes».1

Les Antiques ont approché initialement la justice comme une condition de l'ordre et de l'harmonie cosmique. Le monde est un cosmos, à savoir un agencement/ordonnancement harmonieux accompli, grâce au principe rationnel qui le gouverne et qui introduit la juste mesure dans tout ce qui est. Cette juste mesure exige que chaque chose agisse selon sa nature, qu'elle occupe la place qui lui échoit de droit et qu'elle joue le rôle qui lui est réservé dans le cadre du Tout dont elle fait partie.

Une telle interprétation, retrouvée chez les pré-socratiques, met l'accent sur la détermination rationnelle de l'ordre cosmique, sur la contrainte que la raison peut exercer sur les existences individuelles, afin que celles-ci agissent conformément au rôle qui leur fut attribué / établi pour elle, pour qu'elles puissent contribuer, de la sorte, au parachèvement du Tout. Par la suite, c'est l'idée d'obéissance/ assujettissement qui l'emporte sur les commandements de la raison, lorsqu'on traite du problème de la justice, et ces derniers nous font l'effet de viser exclusivement au bien du Tout, en négligeant celui des individus. L'idée de la réciprocité fait donc défaut, la justice étant comprise juste comme une obligation et non pas comme un bénéfice qui résulte des suites de son accomplissement/réalisation, étant simplement contrainte et non pas libre manifestation de celui qui accomplit certaines obligations.

À partir de Socrate et de Platon, un changement de perspective va être enregistré dans l'approche et la compréhension de ce qui s'appelait la juste mesure/le juste milieu, et, implicitement, de ce qu'on allait comprendre par la justice. Ils garderont l'idée que la seule raison assure/garantit la justice, tout en considérant que celle-ci doit obéir au principe même de la justice. La justice va s'imposer non seulement aux gens, mais aussi aux dieux, et la supériorité de ces derniers sera confirmée par la faculté de réaliser une justice parfaite.

Platon, qui accepte l'accomplissement dans le seul cas des existences spirituelles pures, respectivement pour les Idées, aura une autre image du Bien, celui-ci étant rapporté non seulement au Tout, mais aussi à ses parties composantes. Le Bien signifie non seulement la forme parfaite du monde des Idées, mais aussi le fait que cette forme résulte en conséquence de l'attribution, à chaque Idée, de la place convenable dans l'architectonique de l'ensemble. En occupant la place qui lui convient le mieux, la forme individuelle va contribuer non seulement à réaliser l'accomplissement/parachèvement et la beauté du Tout, mais elle fera valoir son propre accomplissement. Et, si la manière de s'affirmer de chaque Idée ne dépend pas que de ses seules propriétés spécifiques, mais aussi de ses relations avec d'autres Idées comme avec le Tout dont elle fait partie...

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