L'accès Libre à la Justice, Droit Fondamental Garanti par la Cour Constitutionnelle Roumaine

AuthorMircea Criste
PositionProfesseur d'Université d'Ouest de Timisoara
Pages1-8

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La Constitution roumaine reconnaît dans son article 21 le droit de toute personne de s'adresser à la justice pour protéger ses droits, ses libertés et ses intérêts légitimes, ainsi que le droit à un procès équitable et à un jugement dans un délai raisonnable, droits dont exercice ne peut pas faire l'objet d'aucune limitation de la part du législateur.

Il est évident l'influence de la Convention européenne des droits de l'homme dans la rédaction de cet article, Convention qui prévoit dans l'art. 6 que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi. Dans l'interprétation de l'art. 21 de la Constitution, la Cour constitutionnelle s'est rapportée à l'art. 13 de la Convention européenne aussi, qui prévoit que toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles.

Comme on a remarqué, à juste titre1, dans les conditions où il existe l'art. 20 de la Constitution, ce droit fondamental serait de toute façon protégé par rapport à la Convention européenne et à la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme (C.E.D.O.), mais par sa mention explicite on a voulu mettre en évidence son importance dans un État de droit, tel que la Roumanie se proclame dans sa loi fondamentale (art. 1/3). Au moment où la Roumanie s'est donné une nouvelle loi fondamentale, elle prit la décision de joindre les États européens qui avaient institué un système de garantie des valeurs constitutionnelles par une justice constitutionnelle spécialisée2. Pour cette raison, l'une des institutions fondamentales et essentielles de la nouvelle démocratie, qui serait mentionnée au début de notre étude, fut la CourPage 2constitutionnelle. Celle-ci s'érige dans un vrai gardien des droits fondamentaux reconnus par la loi fondamentale, dont nous allons analyser par la suite l'accès libre à la justice.

1. La Cour constitutionnelle, interprète des dispositions constitutionnelles

Imaginée au départ, dans les Thèses pour l'élaboration du projet de Constitution de la Roumanie, comme une copie du Conseil constitutionnel français, l'instance roumaine de contentieux constitutionnel a évolué vers l'exemple donné par les cours allemande, espagnole et italienne3. Ainsi, composé de 9 juges avec un mandat non-renouvelable de 9 ans qui prend fin chaque 3 ans pour un tiers des juges, les compétences de la Cour étaient élargies d'un contrôle uniquement a priori de constitutionnalité, à un contrôle a posteriori également. Si en ce qui concerne le premier type de contrôle, par rapport aux actes contrôlés, le droit de saisine et la procédure, la semblance avec le modèle français est assez évidente, le contrôle a posteriori est initié sur la voie d'une question préjudicielle4.

La saisine de la Cour constitutionnelle, en vue d'un contrôle antérieur des lois, a pour auteurs les autorités politiques qui, d'une manière générale, sont dotées avec ce droit dans les pays qui connaissent un contrôle centralisé: le Président de la Roumanie, les présidents des deux Chambres parlementaires, le Gouvernement, un nombre de 50 députés ou 25 sénateurs, la Haute Cour de cassation et justice et, à la suite de la révision constitutionnelle de 2003, l'Avocat du peuple (l'ombudsman roumain). Le contrôle des Règlements des Chambres est fait sur saisine du président de l'une des deux Chambres, d'un group parlementaire ou d'un nombre de 50 députés au moins ou de 25 sénateurs au moins, tant que le contrôle des traités ou des autres accords internationaux, et réalisé sur saisine du président de l'une des deux Chambres, de 50 députés au moins ou de 25 sénateurs au moins. Quant au contrôle de la constitutionnalité d'un parti politique, le droit de saisine est donné au Gouvernement et aux présidents des deux Chambres (suite à une décision adoptée à la voix de la majorité des parlementaires).

Dans le contrôle postérieur, la Cour est saisie directement par l'instance devant laquelle la question d'inconstitutionnalité fut invoquée ou par l'Avocat du peuple5. Le renvoi est fait par un jugement avant dire droit qui inclura les arguments des parties du procès et de l'instance. Le juge du fond, même si il a à exprimer son opinion sur la question préjudicielle soulevée devant lui, il n'examine pas le bien-fondé de la requête, mais il est obligé de renvoyer la question à la Cour constitutionnelle. Si la question est toutefois inadmissible, parce que la solution dans le procès n'est pas liée à la solution donnée à la question préjudicielle, ou parce que la question fut soulevée par une personne qui n'est pas partie dans le procès, ou parce que la disposition critiquée a été déjà déclarée inconstitutionnelle par la Cour, ou parce que la question vise un acte normatif autre qu'une loi ou ordonnance ou celle-ci n'est plus en vigueur, le juge peut refuser de saisir l'instance constitutionnelle6.

La voie du contrôle de constitutionnalité par l'intermédiaire d'une question préjudicielle représente sans doute la façon la plus efficiente de protection des droits fondamentaux énoncés par la Constitution, car il s'agit d'une modalité d'actionPage 3directe. Ainsi s'explique pourquoi cette forme de contrôle fut consacrée dans des pays qui sont passées par des périodes de régime totalitaire (l'Allemagne, l'Italie, le Portugal, l'Espagne, les pays de l'ex-camp communiste)7.

Toute une série de questions préjudicielles renvoient à la Cour constitutionnelle visent l'accès libre de toute personne à la justice, respectivement l'interprétation de certaines notions, telles que procès équitable ou délai raisonnable, et la circonlocution de la sphère dans laquelle peut être compris l'accès libre à la justice réglementé dans l'art. 21 de la Constitution8 . Le professeur Draganu constate, à juste titre, que ce droit n'est pas réglementé parmi les droits fondamentaux, mais dans le premier chapitre du deuxième titre, bien qu'il doit être considéré en tant qu'un droit fondamental, parce qu'il „est analysé comme une faculté de volonté garantie à la personne par la Constitution même, faculté à la quelle il corresponde l'obligation pour l'État de dérouler une activité juridictionnelle"9.

2. L'accès libre à la justice, un droit affecté au principe de l'équité

Nous sommes ici dans la présence d'une condition sine qua non, car on ne peut que constater, à côté du professeur Deleanu, que „l'accès libre à la Justice ne peut pas être une garantie constitutionnelle suffisante à tous les droits et libertés fondamentales, si la Justice même n'est pas équitable"10. Un premier exemple de la liaison qu'elle existe entre le droit prévu dans l'art. 21 de la Constitution et le principe de l'équité, nous a été offert par la Cour constitutionnelle à l'occasion du contrôle de la dépénalisation des infractions d'insulte et de calomnie. À cette occasion, la Cour a considéré que le libre accès à la justice ne signifie pas seulement la possibilité de t'adresser aux tribunaux, mais aussi de bénéficier des moyens appropriés à la protection du droit violé, concordant à la gravité et au péril social du préjudice produit. On a invoqué dans ce sens la jurisprudence de C.E.D.O.11, qui a statué d'une façon constante que l'effet essentiel de la disposition insérée dans l'art. 13 de la Convention consiste en imposer l'existence d'un recours interne qui autorise l'instance nationale d'offrir une réparation adéquate, sous réserve que le recours soit effectif tant dans le cadre des réglementations légales, que dans la pratique de leur application.

La Court est parvenue à la conclusion que la dépénalisation des infractions d'insulte et de calomnie pourrait déterminer la réaction de facto des ceux offensés et des conflits permanents, de nature à faire impossible la cohabitation sociale, qui suppose respect pour chaque membre de la collectivité, pour la réputation de chacun. Pour cette raison, la dignité de la personne, la réputation et l'honneur de celle-ci, valeur protégées par le code pénal, ont un statut constitutionnel, étant consacrées par l'art. 1 de la Constitution de la Roumanie en tant que valeurs suprêmes12.

La saisine des instances judiciaires pour mettre en valeur un droit subjectif violé ou pour l'accomplissement d'un intérêt qui peut être obtenu uniquement par la voie de la justice n'est pas un aspect du droit de pétition, réglementé par les dispositions constitutionnelles de l'art. 51, a également décidé notre instance constitutionnelle. Tant que le droit dePage 4pétition est concrétisé en demandes, plaintes, requêtes et propositions relatives aux solutions à donner à certaines questions personnelles ou de group que ne supposent pas la voie de la justice et auxquelles les autorités ont le devoir de répondre dans les délais et les conditions prévues dans la loi, les recours en justice sont résolus selon de règles particulières, appropriés à la fonction de jugement13.

Le recours à la justice est conditionné, généralement, du payement des frais de jugement. La Cour constitutionnelle a décidé constamment que l'accès libre à la justice ne signifie pas que celui-ci doit être dans tous les cas gratuit, car il est légal et équitable que les justiciables qui tirent un bénéfice direct du fonctionnement...

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