Les droits de l'homme - question cruciale des relations internationales

AuthorBenone Pusca
PositionProf. univ. dr. - Université "Danubius" de Galati
Pages23-36

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1. L'apparition et l'évolution de la protection des droits de l'homme

Comme on le souligne dans un ouvrage théorique roumain consacré aux droits de l'homme, écrit en 1992, portant un titre suggestif: Drepturile omului, religie a sfârsitului de secol, signé par le professeur d'université Adrian Nastase, un spécialiste de notoriété publique dans ce domaine, «le concept proprement-dit des droits de l'homme, est né durant la période de préparation individuelle des révolutions bourgeoises en Europe»1.

L'idée des droits de l'homme, tire, toutefois, ses origines dans les conceptions philosophiques et juridiques qui ont marqué l'histoire de la pensée humaine. Ainsi, le célèbre philosophe Protagoras d'Abdera, émettait l'idée que «l'homme est la mesure de toute chose»2, en rapportant tous les phénomènes naturels et sociaux à l'homme. En synthétisant, au plan juridique, toutes les grandes idées humanistes, le jurisconsulte Ulpian soulignait que les droits de l'homme devaient être, essentiellement, les suivants: mener une vie honnête, ne pas nuire à ce qui appartient à autrui et attribuer à chacun ce qui lui revient de droit (Juris praecepta sunt haec: honeste vivere, alterum non laedere, suum cuique tribuere)3.

Il convient de mentionner que l'Antiquité a élaboré non seulement une vision élargie de l'homme, en incluant la reconnaissance de sa dignité et la valeur des normes juridiques de conduite, mais aussi le concept de «homo politicus», ce par quoi l'on entendait la vocation dont devaient jouir tous les hommes afin de participer, dans des conditions d'égalité parfaite, à la direction des affaires de la cité.

Dans son ouvrage La Politique4, Aristote montrait que «l'homme est social de par sa nature», et que la famille «est le premier échelon d'association des humains»; l'association de plusieurs familles «mène à la création des villages et villes»; la réunion de plusieurs villages et villes «donne naissance à l'Etat», et que «toute association se fait dans le but de quelque bien»5.

En dépit de ces idées généreuses, la société antique n'en admettait pas moins l'esclavage, qu'elle considérait comme un fait tout à fait naturel. Les juristes romains, qui ont élaboré la conception de «jus naturalae», distinguaient entre le droit naturel et le droit civil, en considérant que le droit naturel est valable, en égale mesure, pour tous les êtres humains, indépendamment si les hommes sont nés libresPage 25ou esclaves, alors qu'ils considéraient que le droit civil est applicable aux seuls membres à droits égaux de la société (jus civile).

Dans les instituts de l'empereur Justinien, la justice était définie comme «le vou constant et perpétuel de donner à chaque homme ce qui lui est dû», et la science du droit comme étant «la connaissance des choses divines et humaines et la capacité de distinguer avec précision entre ce qui est juste de ce qui est injuste». Les Romains prétendaient que là où il y avait société, il y avait aussi droit (Ubi societas, ibi jus), qui ne pouvaient concevoir la société en dehors du droit. Ils se fondaient sur la conviction que «le droit est éternel», tout comme «la société est éternelle». À la longue, même dans la société esclavagiste romaine, il s'est frayé un chemin toute une série de réglementations juridiques, y compris celles qui interdisaient la mise à mort des esclaves.

Une influence bénéfique sur l'affirmation des conceptions humanistes a eu la religion chrétienne, laquelle a élevé le concept de la fraternité humaine au rang de principe, de l'égalité de tous les humains devant la divinité, en prêchant l'idée que les humains, dans leurs relations réciproques, doivent faire preuve de tolérance, de respect du droit de tout être de vivre selon ses propres coutumes, dans un esprit d'entente et de parfait respect. Les religions ont joué un rôle essentiel dans la propagation des conceptions humanistes, conceptions consacrées dans les ouvrages de certains spécialistes de prestige de la théologie, dans les résolutions de certains congrès ecclésiastiques. Malheureusement, dans la pratique de certaines religions, le combat contre les fois hostiles s'est transformée en intolérance, aboutissant, finalement, au sacrifice de mainte personne accusée de diverses hérésies, de violation des normes de la conduite humaine propagée par l'Eglise. Malgré tout, l'influence des religions sur l'affirmation du concept des droits de l'homme représente un fait notable, lequel a déterminé l'impact des conceptions philosophiques et morales sur l'élaboration de toutes les institutions qui garantissent les droits de l'homme.

Les grandes confrontations philosophiques ont mis elles aussi au centre de leur attention les problèmes de l'émancipation de l'être humain. Philosophes des orientations les plus diverses ont cherché à éclaircir le rôle que l'homme doit jouer non seulement en société, mais aussi dans l'histoire. Le grand philosophe français Jean Jacques Rousseau appréciait que «l'homme est né libre, mais il est partout en chaînes», ce qui visait la nécessité d'abolir toute structure ou tout mécanisme politique de nature à affecter la dignité de l'humain.

La Révolution Française a eu une influence décisive sur l'affirmation des conceptions humanistes, laquelle consista en cela qu'elle a proclamé, dans ses documents, les droits fondamentaux de l'homme, lesquels devaient être réfléchis et garantis dans toute société démocratique. Les philosophes de la Révolution ont fondé des idées qui conservent leur actualité même de nos jours, en démontrant, de la sorte, le rapport indissoluble entre l'édification d'un ordre de droit et la garantie des droits de l'homme. Par exemple, Montesquieu affirmait que la liberté représente

le droit de faire tout ce qui est permis par les lois; si un citoyen pouvait faire ce qu'elles interdisent de faire, il perdrait sa (propre) liberté, parce que les autres pourraient faire de même

6.

Les idées remarquables de la pensée philosophique produite aux XVII et XVIII-es siècles couronnaient, en fait, toute une évolution, car les idées du droit naturel se sont imposées avec une vigueur particulière dans la pensée politique des temps. Dans son ouvrage bien connu «De jure belli ac pacis», Hugo Grotius appréciait que l'homme détenait un certain instinct social qui le poussait à vivre en (des) communauté (-s) avec ses semblables, d'où l'idée du droit naturel, appelé à gouverner la conduite des humains en société, en concordance avec les règles du droit de la raison. Un précepte fondamental du droit naturel - dans la conception de Hugo Grotius - est «le respect de tout ce qui appartient à autrui», précepte qui est devenu l'un des plus importants principes et normes de droit, qui postule la vie de l'homme en communauté7.

Un autre principe fondamental du droit naturel est «la réparation des dégâts causés à autrui» (damni culpa dati reparatio). En observateur attentif des relations interhumaines, Hugo Grotius en est arrivé à la conclusion que, au-delà des motivations invoquées par les gens, dans diverses situations, la réparation des dégâts causés à autrui, s'impose avec nécessité, car c'est seulement ainsi que seront découragés d'autres dégâts, et les gens se sentiront à l'abri d'actes ou faits commis contre eux. Fort relevant est, en ce sens, la théorie de Thomas Hobbes, selon laquelle le droit naturel représentait la liberté de chacun d'utiliser la propriété qu'il possède, d'utiliser sa propre force en vue de défendre sa propre nature, c'est-à-dire sa vie. Dans la conception de ce penseur, «si la Nature a fait les gens égaux, cette égalité doit être reconnue». Pour le juriste et philosophe anglais John Locke, les principaux droits naturels que l'homme n'aura pas transmis à l'Etat, sont: la liberté, l'égalité et le droit de propriété8.

Ultérieurement, la conception du contrat social une fois fondée, surtout dans l'ouvre de Rousseau, reconnaissait même le droit des citoyens d'écarter ces dirigeants politiques qui violent le «pacte fondamental», conférant, de la sorte, de nouvelles expressions au développement des idées de démocratie et de cohabitation en société.

L'évolution des idées et de l'action dans le domaine des droits de l'homme a été influencée par la philosophie des Illuministes. Des penseurs français, dontPage 27Voltaire, dans «Les Lettres anglaises» (1734) et Montesquieu dans «L'Esprit des Lois» (1748), exaltent les libertés anglaises, sous la forme du parlement élu, et de habeas corpus, qu'ils considèrent comme une protection efficace contre les abus.

2. Documents constitutionnels garantissant les droits de l'homme

Les idées et conceptions généreuses exprimées dans les ouvres de certains philosophes et juristes de prestige, se sont retrouvées dans nombre de documents à caractère constitutionnel, mettant en relief une conception entièrement élaborée et structurée, relative aux droits de l'homme; toutefois, l'histoire proprement...

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