Maître et Disciple

AuthorIoan Huma
PositionProfesseur d'Université «Danubius» Galati
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Maître, Disciple et Ecole de pensée sont des termes utilisés un peu plus tard par l'histoire de la culture. Sous des formes différentes d'une époque à l'autre, ils exprimaient une relation admirable dans l'apparition et l'affirmation des valeurs de la connaissance.

L'Hellade nous a légué, entre tant d'autres trésors spirituels, le modèle, resté classique, du Penseur. Nous l'appelons, d'un terme apparu ultérieurement, Maître. Personnage emblématique, le Maître est le Créateur en philosophie, le forgeur de l'idée fructueuse, l'ouvreur d'horizons dans le mode de comprendre le monde et d'assumer son existence. Mais avant tout, chez lui l'originarité et l'originalité de la Pensée fertile se transfigurent dans un mode d'être, dans le modèle vraiment exemplaire pour tous ceux qui se trouvent autour de lui. Le Maître ne conseille pas institutionnellement; il ne produit pas de règlements d'activité et d'adhésion. Les jeunes se dirigent vers lui mus par une nécessité ressentie par leur être, provoquée par les lumières de la pensée phare du Maître. Il est l'esprit tutélaire, dominant comme une montagne la campagne. La force de son être humain est enveloppée du nimbe de son attitude morale, déduite de l'impératif catégorique.

Le Maître n'invente pas, n'élabore pas en se donnant une peine conventionnelle et un air livresque, un monde spécieux d'énoncés et gestes spectaculaires, apte à attirer sous une forme coloriée ceux qui sont enclins au jeu de la gratuité. Au contraire, il a quelque chose à dire au monde, quelque chose qui paraît le transcender comme un mystère. Ce n'est pas tant la spéculation qui l'a élevé à l'Idée pure, que le vécu vivant et l'expérience cathartique; ils sont la sublimation miraculeuse, créatrice de la lumière intérieure, destinée à conseiller aux autres. Et ils reçoivent l'appel parce qu'ils la cherchent déjà; ce ne sont pas un groupe d'adulateurs, mais ils y sont réceptifs parce qu'ils la cherchaient déjà; ce n'est pas un groupe d'adulateurs, mais ont en soi l'étonnement avec lequel ils se mettent à résonner peu à peu, devenant une famille de la pensée scrutatrice. Le Maître lui-même s'accomplit par les autres; le trop plein de son esprit s'objective dans l'altérité. Ceci constitue le miroir vivant et le support direct de la communion. La communion constitue un feed-back de l'état d'esprit. Ceux qui sont autour du Maître sont maintenant des disciples. Ils n'apparaissent pas comme témoins d'un exercice intellectuel; leur présence est co-participative. Le fait d'œuvrer pour l'Idée porte fruit dans le dialogue avec les disciples. Dans son sens antique, le dialogue pouvait être confrontation, tension dans le combat d'idées et dans la quête de la vérité, c'est ainsi seulement que se trempait celui qui assumait d'une manière maïeutique le rôle de disciple. LePage 2dialogue sculptait dans l'être intellectuel du jeune la statue du Disciple. Il recevait les idées en les filtrant et en en enrichissant le sens. Le Disciple n'était pas contremaître, mais «le maçon» de la pensée, comme il n'était pas non plus l'apprenti appelé à seulement imiter le métier du Maître. La pensée du Disciple était le champ actif où poussaient les idées du Maitre. L'un existait et se définissait par l'autre. Le Disciple symbolisait la continuité d'une vision et d'une attitude.

Cet admirable état de choses se retrouvait dans le temps autour de Socrate, de Platon d'Aristote et d'autres avant ou d'après eux. Tous ont créé ce qu'on appela par la suite une Ecole de pensée. Chacune d'elles avait son idée phare, en mesure de conduire à un système de pensée, expression philosophique de l'option pour un set de valeurs et base d'un crédo de vie.

A parti des Grecs anciens, le paradigme du Penseur et du Disciple est resté comme un écho idéal et surtout idéalisé de l'Ecole de pensée philosophique. Dans divers espaces de culture européenne et à différents moments historiques, l'on retrouva, mais de moins en moins, des éléments du modèle classique. Cet air presque ésotérique et rituel qui enveloppait la méditation et la connaissance, est disparu. Il n'en est pas moins vrai que, dès l'Antiquité, apparaissaient les signes du rationalisme, retrouvables dans le style apollinien de la...

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