Devoir et Obligation Morale - Juridique

AuthorElena Puha - Gabriela Lupsan
Pages1-7

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Elena PUHA, Professeur d’Université - Université «Al. Ioan Cuza», Iasi

Gabriela LUPSAN, Maître de Conférences - Université «Danubius» de Galati


La motivation et l'objectif de l'ouvrage

La question: «où se situe-t-on lorsqu'on parle du devoir et de l'obligation de nos jours», est plus que justifiée. Les choses en sont là, qu'on ait recours à des élaborations intellectuelles, ou qu'on se contente de la simple observation des conduites quotidiennes. Gilles Lipovetsky, surnommé «barde de la libération postmoderne»1, auteur des ouvrages «L'ère du vide», «L'empire de l'éphémère», suggère et, plus d'une fois, affirme d'un ton tranchant, qu'on est entré dans l'ère «post-devoir» ou dans «l'époque post-déontique», époque où nos comportements sont délivrés des derniers vestiges des commandements oppressifs et des obligations». Sous une forme ou sous une autre, directement ou d'une manière1 plus voilée, un tel point de vue est fréquent dans les belles lettres aussi, sans parler de la réalité des conduites quotidiennes. «Nous entendons former une génération qui n'ait jamais accès au sérieux, qui cherche avec frénésie la frivolité, l'amusement et le sexe. Une génération qui reste éternellement dans l'enfance et qui n'atteigne jamais à la maturité», déclarait certain personnage d'un roman récent»2.

A traiter des tendances contradictoires, de vrais tourbillons du monde postmoderne, des mutations produites dans l'existence individuelle et collective, de la constitution d'une économie non nationale (non pas transnationale) avec le nomadisme sans précédent de la population, avec les recherches fébriles d'identité et de sécurité, Zigmund Bauman considère, comme maint penseur actuel, que le postmodernisme a deux faces: (1) premièrement, il dissout l'obligatoire en optionnel, ce qui engendre des effets contraires, étroitement inter-conditionnés: d'une part, la furie sectaire de l'affirmation néo-tribale (le terme appartient au psychologue et sociologue italien Michel Maffesoli) et à la réapparition dePage 2la violence comme instrument principal de l'édification de l'ordre et, d'autre part, à la quête désespérée de vérités désagréables qui remplissent le vide de l'agora déserte. D'autre part, c'est le refus des rhéteurs d'hier de l'agora de discriminer, d'arrêter un choix entre diverses variantes. L'idée du sacrifice de soi a été de nos jours «délégitimée», observe Z. Bauman. Nous avons mis une fin aux utopies, aux idéaux, on est devenus pragmatiques, en rejetant tout voile qui embellissait les contraintes.

Le vagabond et le touriste

ont l'air d'incarner les types humains postmodernes3 et non pas l'entrepreneur, l'érudit, le héros ou le moine, figures représentatives caractéristiques des époques antérieures. En dépit du dérisoire où ils tombent, tant au plan théorique que dans celui pratique, du devoir et de l'obligation, l'époque postmoderne se proclame une de la renaissance de l'éthique et du juridique.

Nous voilà, en effet, dans une situation où le devoir et l'obligation cessent de constituer le modèle de déroulement de la vie de l'homme, d'être l'instrument éthique de la cohabitation le soutenant dans son effort de dépasser la sphère de son individualité biopsychique afin d'entrer dans celle de la culture, en configurant humainement les premières? Les changements produits dans l'existence humaine sont de nature à annuler les conditions de l'existence fondamentale de la vie de l'homme sur terre - l'ordre, la norme?

Dans le présent travail, nous essayons de trouver une réponse à ces questions.

La perspective où nous abordons la question mentionnée, est celle de la science et de la philosophie du droit et non pas du Droit en tant que forme du pouvoir social constitué de l'ensemble des normes et institutions qui réglementent par des normes juridiques les interactions humaines individuelles et collectives. Les modes de réglementation juridique se sont cristallisés et continuent de se constituer en branches et sous-branches autonomes, en institutions et actes juridiques. De nos jours, nous assistons à l'extension de la sphère d'action du droit dans la réglementation des conflits apparus dans les interactions humaines à cause de retraite de l'intervention de l'Etat.

Des catégories du droit et des concepts juridiques

Avant de présenter les questions concernant le devoir et l'obligation morale juridique, nous considérons comme nécessaire de faire quelques sommaires considérations logiques et épistémologiques concernant les catégories du droit et les concepts juridiques, en général, considérations valables pour la catégorie et le concept d'obligation juridique.

Les catégories normatives des diverses branches du droit, prescrivent et imposent des conduites pour le domaine qu'elles réglementent, tandis que les concepts des sciences juridiques et ceux de la philosophie du droit investiguent la connaissance - ses limites et ses possibilités - à l'aide des catégories du droit4.

Les notions juridiques élaborées dans le système des sciences juridiques soutiennent l'élaboration et l'interprétation des normes de droit, en même temps que la définition de ces notions doit tenir compte des catégories normatives du droit en vigueur. A défaut des concepts juridiques, les normes destinées à réglementer impérativement les interactions juridiques,Page 3restent incompréhensibles. Les notions banales du langage quotidien ou celles reprises à d'autres disciplines scientifiques, deviennent à proprement parler juridiques en vertu de l'effet spécifique que le droit en vigueur leur attache. Par exemple, la naissance et la mort deviendront «faits d'état civil» par quoi s'ouvre et se clôt la durée de la vie d'une personne - avec toutes ses conséquences.

Il importe d'observer que les notions juridiques (...) doivent ce caractère propre à la disposition formulée par la règle de droit en rapport avec un état de fait constituent son point de départ

5 (c'est nous qui soulignons).

A approcher la question de la définition des notions en droit, Viktor Knapp distingue trois types de définitions:

(1) définitions des sciences juridiques. Ce serait le premier niveau de la définition des notions juridiques;

(2) définitions légales - ce serait le second niveau de la définition des notions;

(3) définitions des organes de la justice, appelés juridictionnels.

D'un point de vue logique, ces définitions seraient indépendantes, même lorsqu'il s'agit de la même notion juridique6. Nous pensons que l'auteur cité opère une identification inadmissible entre les concepts juridiques et les catégories juridiques normatives spécifiques du droit, des branches et des sous-branches de celui-ci. La confusion est manifeste dans la classification des définitions juridiques proposée par Knapp. Ainsi, il parle de «définitions légales», comme de ces définitions émanées des organes de justice qui ont un «pouvoir normatif et des conséquences juridiques»7. «(...) la définition légale est une opération juridique de détermination des notions; à savoir un procédé juridique de fixation de la signification d'une expression dans un texte de loi, et, d'autre part, la détermination notionnelle elle-même, où se matérialise le procédé& mentionné»8.

La définition est une opération logique, elle ne saurait être une de juridique à même d'attirer des conséquences juridiques. Ce que Viktor Knapp appelle «définitions légales», représente les opérations techniques par quoi se matérialise le processus juridique pour une catégorie ou une autre du droit dans un code juridique. La notion juridique, en droit appelle un terme technique. Il est vrai, cependant, que par la conceptualisation des termes dans les...

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