Approche du Régime Processuel de L'enquête de Police en Droit Positif Français

AuthorJohn Curioz
PositionChargé de cours - L'Université Jean Monnet de Saint Etienne
Pages1-7

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Si l'on devait définir la procédure pénale, on pourrait dire qu'elle se compose de l'ensemble des règles relatives à la découverte du coupable d'une infraction, à sa poursuite et à son Jugement. Ces règles sont disséminées dans les sources écrites du droit français. Il peut s'agir de sources nationales ou de sources internationales.

Nos autorités de poursuites sont soumises à un dilemme: d'un côté, il est logique de leur permettre de tout mettre en œuvre afin de trouver le coupable d'une infraction; d'un autre côté, les libertés publiques et les libertés individuelles doivent être préservées coûte que coûte.

Un point d'équilibre doit être trouvé.

Historiquement, sans remonter à l'Antiquité, la première étape marquante de la procédure pénale française résulte de l'Ordonnance de 1670 prise sous l'impulsion d'une commission présidée par COLBERT. Les conditions dans lesquelles la justice pénale va être rendue seront rationalisées.

Pour l'essentiel: l'enquête est menée dans le secret le plus absolu par un lieutenant criminel du Roi. Ce lieutenant criminel du Roi fera également partie de la Chambre de Jugement. Un système de preuve légale défini et hiérarchisé est mis en place. L'office du Juge consiste à examiner si ces preuves sont bien réunies. Par exemple, deux témoins directs font preuve; quatre témoins indirects font preuve. Toutefois, la preuve suprême est apportée par l'aveu. Cet aveu est donné spontanément par la personne interrogée.

Il se peut que l'aveu soit moins spontané. On parle alors de «question». Par cette appellation anodine, on désigne en réalité la torture. Les droits de la défense sont absents. Il n'est pas question d'Avocats.

Leur présence n'était pas considérée comme indispensable dans la mesure où les Juges étaient censés enquêter à charge et à décharge sans pouvoir léser les intérêts de la personne poursuivie. La «question» sera abrogée par Louis XVI, Roi de France.Page 2

L'entier système sera abrogé à l'occasion de la Révolution Française. Les Droits de l'Homme et du Citoyen seront consacrés en 1789. L'article 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme impose les formes légales du procès. L'article 8 impose la légalité des délits et des peines, la non rétroactivité des lois pénales et la nécessité pour les peines d'être strictement et évidemment nécessaires.

L'article 9 rappelle la présomption d'innocence. Surtout, il est décidé que toute personne jugée a le droit d'être défendue. Sous l'influence des pays anglo-saxons, on décide de mettre en place des jurys populaires et l'enquête, comme le Jugement, devient publique.

Le système de preuve légale fut abandonné au profit de «l'intime conviction». Dans son article consacré aux vicissitudes historiques de la procédure pénale, Maître Henri LECLERC, Avocat à la Cour, rappelle que le fonctionnement de ce système laissait également à désirer. Il n'était pas forcément plus juste que le système mis en place sous l'Ancien Régime. NAPOLEON, après avoir organisé le droit civil français, a décidé de réorganiser le droit pénal. Son idée était de revenir à un système plus proche de celui de l'Ancien Régime.

Pour la première fois fut adopté un code d'instruction criminelle. Le jury n'était conservé que pour le Jugement des affaires les plus graves et devait répondre selon son intime conviction. On revient au caractère secret de l'enquête et surtout on confie cette dernière à un nouveau personnage: le Juge d'Instruction. Ce Juge a la qualité d'officier de police. Honoré de BALZAC le qualifie «d'homme le plus puissant de France».

Le secret allait peut-être un peu loin: l'inculpé ne savait rien de son dossier, pas plus que son Avocat. Au cours du 19èmesiècle, ce nouveau système fut l'objet de critiques et de réformes constantes. Finalement, en 1897, on permet à l'Avocat de l'inculpé d'avoir connaissance de la procédure la veille de l'instruction au cours de laquelle son client serait interrogé. Il vaut mieux tard que jamais.

L'Avocat est en outre autorisé à assister aux interrogatoires et aux confrontations. Une réforme totale du système devait être mise en place après la deuxième guerre mondiale. En 1958 est promulgué le code de procédure pénale. Le Juge d'Instruction est conservé. On essaie de faire en sorte que le nombre de détentions provisoires soit revu à la baisse. Globalement, tout le monde est convaincu que le système inquisitoire français est le plus sûr et le plus respectueux des libertés publiques et individuelles. C'était oublier que le Juge d'Instruction, même s'il était indépendant, s'appuyait totalement sur la police qui lui apportait des dossiers quasiment terminés.

Une fois que la conviction des policiers était faite, celle du Juge d'Instruction ne devait pas tarder... Encore une fois, de nombreuses réformes de procédure pénale plus ou moins importantes se sont succédées au cours des 20ème et 21ème siècles. La grande question que se posent actuellement les autorités françaises est la suivante: faut-il supprimer le Juge d'Instruction? L'idée générale consisterait à confier au Parquet le soin de diligenter toutes les enquêtes.

Certains pourraient penser que cette réforme est loin d'être indispensable dans le contexte socio-économique français actuel. Toutefois, dès que la question est posée, les médias s'en emparent et chacun est invité à donner son avis. Pour pouvoir donner un avis objectif, il faut connaître un tant soit peu le régime juridique de l'enquête en France.

Les sources juridiques de la procédure pénale française

Il convient de distinguer les sources nationales des...

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