Moyens alternatifs de règlement des litiges: realités, perspectives et enjeux européens

AuthorAngelica Rosu
PositionChargée De Cours - Université "Danubius" De Galati
Pages121-130

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Il n'existe aucun doute concernant la force produite par l'impact sur l'organisation judiciaire et les procédures juridiques à la suite de l'application du principe général de libre accès à la justice, qui se retrouve aussi dans l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, repris au niveau communautaire par la Cour de Justice des Communautés Européennes et proclamé par l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne.

L'amélioration des conditions d'accès à la justice, l'idée qui traduit ce principe, constitue un objectif primaire pour les Etats membres du Conseil de l'Europe et depuis la réunion de Tampere de 15-16 octobre 1999, une politique dynamique et ambitieuse à suivre au niveau communautaire.

Au fil du temps, le fonctionnement de la justice a reçu des appréciations assez différentes. Quand même, ces jugements ont décrit de la même façon les méthodes traditionnelles: comme étant trop lentes, coûteuses, compliquées et souvent incertaines.

Ces sentiments n'ont pas cessé de s'accentuer dans le contexte de la globalisation de notre société, d'augmentation du nombre de litiges. Dans ces conditions, on peut parler d'une vraie «crise de la justice108» provoquée, d'une part par les nombreux différends que l'instance doit solutionner et de l'autre, par le fait qu'une décision du juge ne signifie aucune amélioration des rapports entre les parties, mais au contraire une aggravation de ceux-ci.

C'est la raison pour laquelle on a fait de grands efforts pour identifier et promouvoir de nouvelles formes de justice qui répondent aux intérêts du citoyen de nos jours: une plus grande rapidité dans le traitement des litiges, un coût inférieur à celui d'une action en justice, une garantie de confidentialité pour les parties, l'implication des parties dans la recherche d'un règlement du litige et qui sont qualifiées différemment dans chaque système juridique: justice «négociée» ou «amiable» ou «consensuelle» ou encore «alternative»109.

Toutes ces nouvelles formes de justice sont en fait des moyens pacifiques de résolution des conflits, ce qui en représente la principale particularité. Par rapport à la méthode judiciaire, ces moyens sont des processus par lesquels les parties -avec l'intervention ou non d'un tiers - tentent de rapprocher leur point de vue afin de parvenir à trouver une solution à leur différend, ce qui signifie l'éloignement du système juridictionnel»110.Page 123

On appelle souvent ces techniques «des moyens alternatifs de règlement des litiges111» ou des «moyens volontaires de résolution des différends» (Alternative means of dispute resolution-ADR aux Etats-Units et au Canada, Règlement alternatif des différends -RAD en France)112 à cause de cet éloignement.

Le fait que des réformes relatives aux moyens alternatifs de résolution des litiges se retrouvent régulièrement dans les textes destinés à améliorer le fonctionnement de la justice113, constitue un indice que, même si on ne veut pas l'admettre, il y a une liaison entre la crise des systèmes judiciaires nationaux et le développement, comme un antidote aux excès de la justice, de ces techniques nouvelles de résolution des différends.

La dénomination de modes alternatifs de règlement des conflits connaît deux sens: le sens général regroupe les mécanismes de résolution amiable -la conciliation, la transaction, la médiation, sans tenir compte de leur nature judiciaire ou extrajudiciaire, c'est-à-dire les moyens en vertu desquelles les parties avec l'intervention ou non d'un tiers, tentent de rapprocher leur point de vue afin de parvenir à trouver une solution à leur différend - et les autres techniques, qui sans avoir la prétention d'être amiables, sont des solutions alternatives au procès traditionnel.

De ce point de vue, la règlementation des litiges par voie arbitrale a représenté une véritable alternative à l'application des procédures judiciaires étatiques. Pourtant, la doctrine étrangère regroupe dans la catégorie de modes de règlement amiables des conflits, toute tentative des parties de trouver une solution amiable à leur litige, sans tenir compte si l'action se déroule ou non dans le cadrePage 124d'un procès et si la tentative représente une aptitude ou une obligation pour le juge114.

La plupart des auteurs n'ont pas agréé ce sens extensif de la notion en préférant de prendre le mot dans un sens plus restreint. Ainsi, la dénomination de moyens alternatifs de règlement des litiges concerne les modes vraiment amiables de résolution des conflits qui échappent au contrôle de tout juge. Comme l'arbitrage a un caractère juridictionnel- dans la mesure où le pouvoir de juger dont les arbitres sont investis trouve sa source dans une convention, un accord formalisé entre les parties au différend et où l'acte de résolution du litige, la sentence arbitrale, a la même nature juridique qu'une décision rendue par une juridiction étatique115 - il n'est pas contenu dans cette catégorie.

La littérature française de spécialité116 a motivé l'exclusion de l'arbitrage de la catégorie des moyens alternatifs de résolution des conflits, par le fait qu'il ne représente plus seulement un mode alternatif de règlement des litiges, mais est devenu un mécanisme traditionnel à la suite de la création d'un cadre réglementé autour de ce mécanisme, sous l'effet conjugué et paradoxal de son succès.

Toutefois, un nombre significatif d'auteurs ainsi que la plupart de la doctrine et de la pratique européenne, a adopté la première acceptation de la notion, l'arbitrage occupant une position médiane entre le contentieux judiciaire étatique et les mécanismes amiables de règlement des litiges117.

Les Etats qui se sont rendu compte des avantages que présentent ces nouvelles voies d'accès à la justice, ont été amenés à réagir sur le plan normatif pour reconnaître et surtout pour leur offrir un cadre réglementé. L'implication dans ce domaine a été très différente d'un Etat à l'autre, d'où la diversité des procédures applicables, peu compatibles entre elles, ce qui fait difficile le recours aux moyens alternatifs de règlement des litiges au niveau transnational. Au niveau communautaire, ce manque d'harmonisation de législation, rend encore plus difficile l'élimination des malentendus transfrontaliers, ainsi que la création d'un espace judiciaire européen en matière civile et commerciale, que l`Union Européenne tente d'instituer, particulièrement après l'adoption du plan d'action relatif à l'établissement d'un espace de liberté, de sécurité et de justice défini pendant la réunion de Tampere.

L'évolution des modes amiables de résolution des...

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