L'expression de la souveraineté des Etats membres de l'OHADA (l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires): une solution-problème a l'intégration juridique

AuthorHervé Magloire Moneboulou Minkada
Positionaculty of Law and Political Science, University of Douala, Cameroon
Pages81-108
L’expression de la souveraineté des Etats membres de l’OHADA
(l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit
des Affaires): une solution-problème a l’intégration juridique
Assistant professor PhD Hervé Magloire MONEBOULOU MINKADA
1
Abstract
The title of this contribution concerns the sovereignty of OHADA’s States as a
solution or a problem of juridical integr ation. In our analysis, we consider that the States
of the OHADA’s area are the main actors of this integration. In fact, the States expres s
their sovereignty towards organs and too ls of OHADA. In one hand, the way States express
their sovereignty ena ble to have the same law amongst OHADA’s St ates. In another hand,
by allowing any State to have his own criminal law (a s far as sanctions are concer ned) the
aim of integration (unification) ha s been jeopardized. The solution of this problem is to
have the same penal a pproach.
Keywords: OHADA, sovereignty, juridical integr ation, criminal law, business law.
JEL Classification: K23, K33
Introduction
Si pour certains auteurs, on assiste à un abandon2 de souveraineté des Etats
dans le cadre de l’OHADA3, n’en déplaisent à ces derniers, car on estime qu’il
1 Hervé Magloire Moneboulou Minkada Faculty of Law and Political Science, University of
Douala, Cameroon, moneboulou@yahoo.fr
2 Abandon signifie action d’abandonner, de quitter, de cesser d’occuper. Abandonner consiste à
confier un droit à quelqu’un. (V. Le Petit Larousse, Paris, 1999, p. 25). En droit civil, abandon
désigne l’acte juridique par lequel une personne renonce à un droit. (V. R. Guillien et J. Vincent, S.
Guinchard et G. Montagnier, Lexique des termes jur idiques, 17e édition, Dalloz, Paris, 2010, p. 1).
Il ressort de ces définitions que la finalité de l’abandon est la renonciation à un droit au profit d’un
nouveau titulaire, sur qui on n’a pas d’influence ; bref le nouveau titulaire est souverain et
indépendant dans l’exerce de ce droit. Or les Etats, qui dit-on, abandonnent leur souveraineté au
profit de l’OHADA, sont fortement représentés par des mandataires qui agissent en leurs noms et
les engagent. Ce qui hypothetise l’abandon. En effet, l’abandon entra ine une perte de contrôle et
d’influence dans le processus de prise de décision; ce qui n’est pas le cas avec le Traité OHADA où
les Etats membres d e l’OHADA sont au centre du processus décisionnel. Cette lecture évidente
contraste avec celle d’une certaine doctrine, qui voit dans l’abandon: «la mise a l’écart du pouvoir
législatif, et par voie de conséquence, les populations qu’il représente…» cf, P. Bourel, «A propo s
de l’OHADA: libres opinions sur l’harmonisation du droit des Affaires en Afrique», Recueil
Dalloz, n° 14, 2007, p. 3.
3 G. K enfack Douajni, «L’abando n de souveraineté dans le Traité OHADA», Revue Penant
n° 830 mai-aout 1999, p. 125; J. Fometeu, «Le clair-obscur de la répartition des compétences entre
la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA et les ju ridictions nationales
de cassation», in Les mutations juridiques da ns le système OHADA, l’Harmattan, Paris, 2009,
pp. 40-41; S. Yawaga, «Regard sur l’émergence d’un droit pénal des affaires en Afrique: le cas du
droit pénal OHADA», in Mutations juridiques dans le système OHADA, op.cit, p. 75 ; J. Issa
Sayegh, «L’intégration juridique des Etats africains dans la zone franc», Revue Penant, 2e partie,
n 824, 1997, pp. 1 47-148; H. M. Noah, «L’espace dual du système OHADA», in L’effectivité du
droit OHADA, PUF, Yaounde, 2006, pp. 37-38, p.77., A. M. Mdontsa Fone, «A propos de
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s’agit plutôt d’une expression ou d’un exercice de la souveraineté. Ce constat
impose une clarification des concepts pour éviter le syndrome de Babel
4 au sein de
cette analyse. Ces concepts concernent les expressions suivantes : souveraineté des
Etats, OHADA, intégration juridique.
La souveraineté des Etats est une expression qui comporte deux notions
singulières. Concernant la souveraineté, elle désigne le caractère suprême d’une
puissance (summa potestas) qui n’est soumise à aucune autre. C’est aussi le
caractère d’un organe qui n’est soumis au contrôle d’aucun autre et se trouve
investi des compétences les plus élevées (souveraineté dans l’Etat)5.
Pour ce qui est de l’Etat, Max Weber, sociologue, l’a entendu comme une
entreprise politique de caractère institutionnel dont la direction administrative
revendique avec succès, dans l’application des règlements, le monopole de la
violence physique légitime6. Sous le prisme juridique, l’Etat désigne une
personne morale titulaire de la souveraine7. Dans un sens plus étroit et concret,
l’Etat englobe l’ensemble des organes politiques, des gouvernants, par opposition
aux gouvernés8. Selon la conception marxiste, l’Etat se définit comme un appareil
d’oppression au service de la classe dominante ; en régime capitaliste, instrument
de la bourgeoisie en vue de l’exploitation du prolétariat9. Dans une dynamique
synthétique et opérationnelle propre au droit international, M. Kamto propose la
définition suivante: «L’Etat est une personne morale, c’est-à -dire un être juridique
construit, mais reposant sur des éléments physiques constitutifs, apte à être
titulaire de droits et d’obligations ou à se voir reconnaître ou attribuer des
pouvoirs lui permettant de participer, en tant que sujet de dr oit, à la formulation et
à l’application des règles de droit dans l’ordre juridique international»10.
La souveraineté de l’Etat s’entend donc du caractère suprême du pouvoir
étatique au sens initial. Au sens dérivé, le pouvoir étatique lui-même est un pouvoir
de droit11, originaire12 et suprême13. La doctrine classique fait de la souveraineté,
l’Extension de la Compétence Pénale OHADA», R.A.S.J.,Vol. 5,n 1, Université de Yaounde II, 2008,
77.; R. Sockeng, Droit pénal des affaires, collection Lebord, Presses MINSI, 2007, pp. 14-17.; M.
Akouete Akue, «Droit pénal OHADA…Mythe ou Réalité», Revue de Droit Uniforme Africain, n° 00/1er
trimestre 2010, pp. 2-3. M. Tematio, «Droit ohada face à la souveraine des Etats»,
http ://tematio.blogspot.com/2012/03/droit-ohada-face-la-souverainete-des.html
4 Le syndrome de Babel renvoie à la situation ou chacun a sa propre compréhension des concepts.
C’est ainsi que chacun ira de son entendement compromettant un débat scientifique cohérent parce
que les postulats conceptuels sont faussés. Voir La sainte bible, Genèse, chapitre 11, «La tour d e
Babel».
5 G. Cornu, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF, 8e édition, Paris, 2007, p. 882.
6 D. Chagnollaud, Droit constitutionnel contemporain, Editions Sirey, Dalloz, Paris, 1999, p. 6.
7 R. Guillien et J. Vincent, S. Guinchard et G. Montagnier, Lexique des termes juridiques, 17e édition,
Dalloz, Paris, 2010, p. 311.
8 Ibíd.
9 Ibid.
10 M. Kamto, La volonté de l’Etat en droit international, Académie de droit international de la Haye,
Recueil de cours, tome 310, 2004, p. 27.
11 En raison de son institutionnalisation
12 C’est- à - dire ne dérivant d’aucun autre pouvoir.

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