L'appropriation de l'espace urbain par les étudiants parisiens

AuthorLiliane Rioux
PositionUniversité Paris Nanterre
Pages39-56
Bulletin of the Transilvania University of Braşo v
Series VII: Social Sciences Law Vol. 11 (60) No. 1 - 2018
L'APPROPRIATION DE L'ESPACE URBAIN PAR
LES ÉTUDIANTS PARISIENS
Liliane RIOUX1
Résumé: Cette recherche s'appuie sur le modèle de Pol (2000) pour
appréhender le processus d'appropriation de l'espace mis en œuvre par les
étudiants d'une université parisienne en se centrant sur ses deux
composantes en interaction dynamique : (a) la composante symbolique sera
cernée par les images cognitives suscitées par la ville de Paris et les éléments
servant de repères aux trajets effectués et (b) la composante
comportementale sera évaluée par l'analyse des trajets dans le quartier
universitaire et dans la ville de Paris et par le recueil des budgets-temps
hebdomadaires des étudiants le site de Censier, France. Les résultats
montrent que les processus d'appropriation du quartier universitaire et de
Paris intra-muros entretiennent des liens significatifs mais modérés.
Mots-clés: appropriation de l'espace, appropriation comportementale,
appropriation symbolique, étudiants, espace urbain.
1. Introduction
L'étude présentée s’inscrit dans le cadre d’une recherche plus vaste menée en réponse
à l'appel d'offre « Paris 2030 » lancé par la Mairie de Paris, France. Elle s’ancre très
clairement dans le champ de la psychologie environnementale puisqu'elle lui emprunte
son concept central, celui d'appropriation de l'espace. Après un bref historique de ce
concept en nous centrant notamment sur les travaux explorant l'appropriation de
l'espace urbain par les étudiants, nous tenterons de cerner les pratiques spatiales des
étudiants fréquentant une université parisienne, dans leur lieu d’études et dans Paris
intra-muros.
2. Partie theorique
Le concept d'appropriation de l'espace s’est développé dans un courant d’origine
principalement européenne (Pol, 1996). Son origine marxiste (Graumann, 1976)
explique probablement en partie sa faible utilisation (Munné, 1982) jusque dans les
années 1960 dans les pays occidentaux. Il a fallu attendre les travaux de Lefebvre (1971)
et Leontiev (1978) pour qu’il soit reconnu comme heuristiquement riche. Il est alors
1 Université Paris Nanterre, LAPPS EA 4386, lrioux@parisnanterr e.fr
Bulletin of the Transilvania University o f Braşov Series VII Vol. 11 (60) No. 1 - 2018
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défini comme un processus résultant de l'interaction de deux types d'appropriation,
l'une individuelle, l'autre sociale. La dynamique qui s’instaure entre un groupe social et
l’espace qu’il génère est ainsi clairement posée.
Ce concept a donné lieu à de nombreuses théorisations. On peut citer la théorie
phénoménologique de l’espace humain de Moles (par exemple, Moles & Rohmer, 1978),
l’approche anglo-saxonne (Altman, 1975; Proshansky, 1976), les travaux de Fischer
(1992) ou le modèle de Pol (2000).
Ce dernier modèle considère l'appropriation de l'espace comme un processus
articulant une composante comportementale et une composante symbolique.
La composante comportementale correspond à la conduite territoriale d’une personne
ou d’un groupe dans ses dimensions d'action et de transformation de l'environnement.
Elle s’appuie notamment sur les concepts de territorialisation et d'espace personnel
(Altman, 1975 ; Korose c-Serfaty, 1985).
La composante symbolique est sous-tendue par des processus cognitifs, affectifs et
interactifs permettant à l'espace de devenir un lieu et favorisant ainsi l'identification du
sujet ou du groupe à son environnement. Parmi les multiples travaux portant sur ces
processus, on peut citer ceux s’intéressant à l'élaboration des cartes mentales (Milgram
& Jodelet, 1976; Depeau, & Ramadier, 2011), la satisfaction environnementale (Amérigo,
1990; Moffat, Mogenet, & Rioux, 2016), le confort (Fischer & Vischer, 1997; Rioux,
2017), l’attachement au lieu (Pavalache-Ilie, & Rioux, 2014) ou l’identification au lieu
(Twigger-Ross & Uzzell, 1996; Marcouyeux & Fleury - Bahi, 2011).
Pol et ses collaborateurs (notamment Vidal, Pol, Guàrdia & Peró, 2004 ; Vidal & Pol,
2005) ont montré que ces deux composantes comportementale et symbolique
participent à un processus interactif que Pol nomme « processus circulaire » : en
agissant sur l’environnement, la personne ou le groupe transforme l'espace, y laisse son
empreinte mais également l’intègre dans son univers affectif et cognitif, ce qui en retour
oriente sa transformation et son marquage de l’espace approprié. L’espace est ainsi
doté de sens individuel et social. Notons que le poids de chacune de ces composantes
peut varier en fonction de divers facteurs tels que le type d’espace lui-même ou le cycle
de vie de l’individu.
3. Les objectifs de la recherche
Assez curieusement, peu de travaux se sont penchés sur les relations que les étudiants
vivant en France entretiennent avec leur environnement universitaire. Nous pouvons
néanmoins citer celles de Felonneau (1994), Moser et Ratiu (1994), Ratiu (1997), Morval
et Judge (2000) et Rioux (2004). Notre recherche est à situer dans le prolongement de
ces travaux qui visent à comprendre les stratégies d’appropriation de l’espace
universitaire et urbain des étudiants. Plus précisément et en nous appuyant sur le
modèle de Pol, il s'agira d'appréhender le processus d'appropriation de l'espace mis en
œuvre par les étudiants de l'université de Paris III-Censier en nous centrant sur ses deux
composantes en interaction dynamique : la composante symbolique sera repérée en
cernant les images cognitives suscitées par la ville de Paris et les éléments servant de
repères aux trajets effectués; la seconde fera appel à l'analyse des trajets dans le

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