Le projet du code civil roumain. Est-il moderne, européen, rigoureux?

AuthorMarilena Uliescu, Lucian Stângu
PositionChef Département de Droit Privé, de l?Institut de Recherches Juridiques - Université Roumaine-Americaine du Bucarest
Pages378-381
Le projet du code civil roumain.
Est-il moderne, européen, rigoureux?
Marilena Uliescu1, Lucian Stângu 2
1 Chef Département de Droit Privé, de l’Institut de Recherches Juridiques
2 Université Roumaine-Americaine du Bucarest
Depuis plus de quarante ans le monde des juristes roumains est hanté par la modification – au nom de
la modernisation - du vieux code civil. Ainsi que nous l’avons déjà dit, en Corse en 2004, à l’occasion
du bicentenaire du code Napoléon, celui-ci a connu en Roumanie un transplant réussi. En effet,
l’adoption du Code civil roumain en 1865 – copie presque conforme du code civile français - a posé
les fondements du droit civil roumain moderne avec ses principes et ses institutions et y a introduit
également la terminologie juridique moderne. La conception générale, les principes, les institutions de
droit civil mais surtout la rigueur de la terminologie et des règles ont déterminé – malgré certaines
fractures, régies par des lois spéciales – sa miraculeuse survie après presque dix lustres de droit
socialiste.
Le projet du « nouveau code civil » dont l’élaboration et l’adoption font partie du « programme de
gouvernement 2009-2010 » semble être, à première vue, une initiative législative nécessaire et utile.
Ce projet comprend 7 livres, chacun divisé en titres et chapitres et l’ensemble compte 2672 articles. Il
résulte de l’exposé des motifs, de la systématisation de la matière et des solutions formulées que le
projet relève de la conception moniste ainsi qu’elle existe dans le droit continental romain germanique
et qui est de mise aussi dans d’autres Etats comme la Suisse, les Pays Bas, l’Italie ou la France.
Cependant le modèle qui a servi de base à l’élaboration du projet en question est le Code civil de la
province du Québec, partie d’un Etat fédéral, le Canada, adopté en 1991. Il va de soi que dans ce
modèle manquent certaines règles qui doivent exister dans un Etat unitaire, car les règles d’une
province faisant partie d’un Etat fédéral doivent nécessairement être complétées par des règles
fédérales. Les règles concernant le système bancaire ou les sociétés n’existent par exemple que dans
les lois fédérales.
En ignorant ainsi les codes monistes européens de tradition juridique romaine germanique le projet
n’aborde pas les réglementations concernant les sociétés, partie essentielle des codes civils suisse,
hollandais ou italien. Il se dispense également des règles concernant les contrats de franchise ou
d’assurance, qui sont régis par des lois spéciales, ce qui contrevient à la conception moniste affichée.
Par ailleurs, le projet a souverainement ignoré l’opinion et les suggestions éventuelles de ceux qui
seraient amenés à l’appliquer. Sa rédaction n’a pas respecté la procédure classique d’élaboration des
codes prévue par la législation légale en vigueur (Loi n°24/2000) et ses modifications. En effet, des
dispositions impératives prévoient, dans ce cas de figure, que des commissions spéciales prennent en
charge, à la suite d’études et d’une ample documentation scientifique, la rédaction des thèses
préalables contenant la conception générale, les principes et les nouvelles solutions envisagées, thèses
qui doivent être examinées et débattues avec soin. Elles ne sont considérées comme définitives que
lorsque les ministères, les autorités publiques concernés et aussi la société civile, auront exprimé leurs
points de vue. Ensuite, elles sont soumises à l’approbation du Gouvernement et la Commission
d’élaboration procède à la mise en forme du projet. Or, ces dispositions légales n’ont pas été
respectées. Ces objections de principe ne nous empêchent pas de constater que le projet du code civil
présente un intérêt certain.
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