Une mondialisation à l'européenne

AuthorLector univ. dr. Maria Grigore
PositionUniversitatea Nicolae Titulescu
1. Introduction

On ne peut pas considérer que la mondialisation est un bien ou un mal. C'est d'abord un fait. Toutes les observations scientifiques montrent que les phénomènes de la nature sont évolutifs, et qu'ils tendent en général à constituer des entités de plus en plus complexes, faites de l'agrégation fonctionnelle viable d'un nombre croissant de composants ou individus.

Il paraît donc vain de s'opposer à la mondialisation, même pour des raisons apparemment bonnes qui résulteraient en fait d'une analyse superficielle. On peut toujours le faire, certes, mais sans effets garantis, voire en produisant des réactions qui accélèrent le phénomène.

En matière de mondialisation, il ne faut pas se tromper de combat. Il ne faut pas se battre contre la mondialisation en soi ou même contre la compétition entre acteurs qui la fonde. Il faut se battre contre les entreprises économiques et financières qui profitent de la mondialisation pour renforcer leur domination sur le monde sans apporter les services correspondants. Il faut se battre aussi contre les Etats qui démissionnent face à ces entreprises, et ne cherchent pas à établir de nouvelles règles protectrices de l'intérêt général et du long terme, ceci dorénavant à l'échelle du monde. En d'autres termes, il va falloir réhabiliter une action publique adaptée aux besoins nés de la mondialisation.

L'expérience montre qu'il va falloir faire plus et plus difficile. Beaucoup d'observateurs commencent à dire que la lutte contre les effets pervers de la mondialisation doit viser à remettre en cause ce qui est derrière, à la fois comme facteur déterminant et comme conséquence, l'hégémonie des Etats-Unis. C'est la super-puissance américaine qui crée en fait la plupart des effets pervers de la mondialisation, en attirant à elle, qu'elle soit en phase de prospérité ou même comme actuellement, en phase de récession, toutes les valeurs ajoutées et les potentiels de développement du monde.

L'hégémonie américaine, à la vue de ces exemples, ne résulte pas seulement d'une conjonction de facteurs favorables, dans un processus de course à la super-puissance engagé dès la première guerre mondiale. Il résulte aussi d'une volonté délibérée, mais principalement confidentielle, des décideurs publics et privés américains pour se donner les moyens durables de dominer le monde.

Cette puissance a acquis, pour différentes raisons généralement honorables (travail, inventivité, sens de l'organisation, etc.) mais aussi en bénéficiant par tête d'habitant de ressources en espace et matières premières largement supérieures à celles du reste du monde, une position telle que ses administrations, ses laboratoires, ses entreprises peuvent en général l'emporter dans les compétitions avec leurs concurrents. Dans ces conditions, elle n'a que des avantages à tirer de la disparition des frontières géographiques et juridiques, ainsi plus généralement que des réglementations établies par les autres pour se défendre de ce qu'ils peuvent estimer être une concurrence inégale voire une agression contre leur mode de vie et leur indépendance. Cette super-puissance prêchera donc un catéchisme libéral tout en poussant à l'élargissement géographique de sa sphère d'influence. Le libéralisme (laisser faire les initiatives privées) ne pourra que bénéficier à ses entreprises, capables de l'emporter sur leurs concurrentes par leur seule taille et compétitivité. La super-puissance sera donc favorable à la mondialisation libérale qui lui ouvre des terrains d'expansion à la mesure de ses capacités. Toute tentative pour ériger des barrières protectionnistes sera donc vigoureusement combattue, soit directement, soit par les institutions internationales où la super-puissance dispose d'une position dominante. Si cependant, dans certains secteurs, des entreprises étrangères se révèlent plus compétitives, cette super-puissance n'hésitera pas, puisqu'elle ne craint guère les mesures de rétorsions, de faire appel au protectionnisme le plus classique. Par ailleurs, la puissance publique, dans les domaines ou l'investissement privé ne se portera pas, faute de rentabilité à court terme, n'hésitera pas à investir elle-même massivement. C'est le cas dans les grands programmes militaro-industriels et scientifiques, dont les derniers en date, l'Initiative de défense anti-balistique et les projets d'exploration de Mars, auront d'importantes retombées. Comme la super-puissance est riche, elle peut financer par l'emprunt et l'impôt d'importantes dépenses publiques hors de portée des autres Etats.

La super-puissance ne peut donc se reposer entièrement sur le dynamisme de ses entreprises pour se protéger de la concurrence économique étrangère, et moins encore contre les mesures éventuelles de rétorsion des autres Etats. On vient de voir qu'elle peut être également à la merci de ces adversaires plus diffus, échappant aux Etats, que sont les internationales terroristes. Elle a besoin de mobiliser en permanence son potentiel étatique...

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